19 Mars 2015

Résultats Scientifiques obtenus avec l'instrument CIRS

Changement de saison sur Titan

 ESA/AOES
Changement de saison sur Titan - crédit : ESA/AOES

Alors que le fonctionnement des saisons est bien connu sur Terre, celui de Titan est encore amplement inconnu. Une équipe de chercheurs vient de lever un coin du voile grâce aux données de Cassini. Tout comme la Terre, l'orbite de Saturne est inclinée sur son axe de rotation (d'environ 27°). Titan étant en orbite sur le plan équatorial de Saturne, la lune est donc également sujette à des saisons. "Tant que le pôle nord de Titan faisait face au Soleil, les rayons ultraviolets et particules hautement énergétiques en provenance de notre étoile provoquaient des réactions dans la haute atmosphère qui conduisaient à l'augmentation des abondances d'éléments gazeux tels que les hydrocarbures et les nitriles au pôle Nord, mais après l'équinoxe et l'inversion de la circulation, on constate l'apparition de ces molécules au pôle sud" précise Athéna Coustenis. En effet sur Titan, il n'existe qu'une gigantesque cellule de Hadley dans la haute atmosphère qui fait circuler l'air chaud montant du pôle en été directement au pôle en hiver où il redescend, un phénomène qui s'inverse avec le changement de saison.

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Le satellite Japet

Carte de température de Japet obtenue avec CIRS le 31 décembre 2004
Carte de température de Japet obtenue avec CIRS le 31 décembre 2004 : L'astérisque orange indique le point de la surface où le Soleil est à la verticale.

La surface de Japet (diamètre~1450 km) est caractérisée par des zones d'albédo très différents. Des régions très sombres y alternent avec des régions réfléchissantes. Au midi local, dans les zones sombres situées près de l'équateur, la température atteint près de 130°K (-140°C). C'est probablement l'un des endroits les plus chauds du système de Saturne, en dehors des atmosphères de Saturne et Titan. En comparaison, la température maximale observée sur le satellite Phoebe n'est que de 112°K (-160°C). Bien qu'il soit aussi sombre que le matériau sombre à la surface de Japet, Phoebe tourne beaucoup plus vite sur lui-même (en 9 heures au lieu de 79 jours) ce qui réduit d'autant le chauffage de la surface par le Soleil. Par contraste, la température des zones réfléchissantes de Japet est d'environ 100°K (-170°C), du fait de la moindre absorption de la lumière solaire, et aussi parce que ces zones se situent à plus haute latitude où les rayons du Soleil sont plus inclinés.


Le satellite Encelade

Température de surface près du Pôle Sud d'Encelade
Température de surface près du Pôle Sud d'Encelade : La figure superpose une image visible et une image infrarouge CIRS. Les zones brillantes dans l'infrarouge sont les plus chaudes (environ 90°K) et correspondent à des fractures par lesquelles les gaz et les particules de glace s'échappent en geysers.

Malgré ses petites dimensions, Encelade (diamètre~500 km) est le siège de phénomènes spectaculaires. Des geysers de glace et de gaz ont été observés par les caméras de Cassini au voisinage immédiat du Pôle Sud. CIRS a pu cartographier la température de surface dans cette zone particulière. Ces mesures révèlent des stries beaucoup plus chaudes que les zones alentour (90°K en moyenne sur toute la largeur des stries au lieu de 75-80°K). Ces stries correspondent à des crevasses à travers lesquelles s'échappent les geysers. D'après la forme du spectre thermique et selon les hypothèses concernant la largeur réelle de la zone d'émission geysers (entre 50 et 600 m), on estime leur température à 135-180°K. Cette température anormale, plus chaude que celle attendue par l'ensoleillement seul, montre qu'il existe une source de chaleur interne, d'origine encore débattue. L'hypothèse la plus probable est un chauffage interne du satellite par des effets de marée qui provoquerait la formation de poches d'eau liquide sous pression donnant naissance aux geysers observés.


Les anneaux de Saturne

Température des anneaux de Saturne
Température des anneaux : Les quatre images montrent la température mesurée par CIRS sur les faces éclairées ou non-éclairées des anneaux, et en observant soit du côté jour soit du côté nuit des particules.

CIRS mesure également la température des anneaux. Les anneaux sont confinés dans le plan équatorial et sont très minces, quelques dizaines de mètres d'épaisseur. L'instrument observe la face éclairée des anneaux, mais aussi la face non-éclairée par le Soleil, ce qui est impossible depuis la Terre. Etant en orbite autour de Saturne, CIRS peut également observer avec différents angles de phase, c'est-à-dire en regardant le côté jour ou le côté nuit des particules constituant les anneaux. L'ensemble de ces mesures permet de contraindre l'épaisseur des anneaux, mais aussi la taille des particules, leur vitesse de rotation, et leur organisation à l'intérieur des anneaux.


L'atmosphère de Saturne : les régions polaires

Cartes de température dans la troposphère supérieure et dans la stratosphère de Saturne aux pôles Nord et Sud
Cartes de température dans la troposphère supérieure (150 mbar) et dans la stratosphère (1 mbar) de Saturne aux pôles Nord (figures A et B) et Sud (figures C et D).

Les régions polaires de Saturne présentent un aspect très différent du point de vue thermique. Le pôle Nord sort à peine d'un hiver qui a duré plus de 7 ans (entre début 2002 et mi-2009). Les zones stratosphériques étant les plus sensibles au chauffage par le rayonnement solaire, on constate une différence moyenne entre pôles Nord et Sud de plus de 30°K à 1 mbar, tandis qu'à 150 mbar, la différence n'est que d'environ 20°K. Au niveau de la troposphère, les deux pôles sont caractérisés par des points chauds centrés sur les pôles, eux-mêmes entourés par des vortex de forme hexagonales visibles observables également dans le visible. A plus basse latitude, la structure familière en bandes et zones est aussi présente.


L'atmosphère de Saturne : l'abondance de l'éthane (C2H6) et de l'acétylène (C2H2)

Variation en latitude de l'abondance de l'éthane et de l'acétylène sur Saturne
Ethane et acétylène : Variation en latitude de l'abondance de l'éthane et de l'acétylène sur Saturne. Le maximum à 30°N est dû à la circulation atmosphérique.

Dans l'atmosphère de Saturne, CIRS a pu également cartographier l'abondance de l'éthane (C2H6) et de l'acétylène (C2H2). Ces mesures mettent en évidence une circulation atmosphérique qui transporte l'air enrichi en hydrocarbures depuis l'hémisphère Sud jusque dans l'hémisphère Nord. La descente d'air enrichi s'effectue dans la zone où se situe l'ombre des anneaux, zone qui ne reçoit pas de rayonnement solaire pendant toute la saison hivernale.

L'atmosphère de Titan

Le spectre de Titan observé par CIRS
Le spectre de Titan observé par CIRS fait apparaître de nombreuses raies moléculaires qui permettent de mesurer la température et la composition chimique de l'atmosphère du satellite.

Distribution en latitude de certains composants minoritaires de l'atmosphère de Titan
La distribution en latitude de certains composants minoritaires de l'atmosphère de Titan, en particulier C3H8, C4H2, HCN et HC3N, varie fortement avec la latitude.

Dans l'atmosphère de Titan, CIRS permet de détecter et de mesurer de nombreuses espèces moléculaires. La plupart de ces molécules sont issues de la photochimie combinée du méthane (CH4) et de l'azote (N2) qui produit des hydrocarbures et des nitriles complexes. Le dioxyde de carbone (CO2) a lui une origine principalement externe.

La cartographie des champs de température et de composition gazeuse permet de tracer la circulation atmosphérique. Celle-ci se manifeste essentiellement par des vents zonaux (à latitude constante) dans la stratosphère vers 200 km d'altitude, mais il existe également une faible composante de circulation méridionale (à longitude constante) dans la troposphère, soit en-dessous de 40 km.

D'autre part, la concentration de certains composants minoritaires - en particulier C3H8, C4H2, HCN et HC3N - augmente fortement vers le pôle Nord, une caractéristique déjà observée par la sonde Voyager 1 lors de son passage en 1980. Ce phénomène est la résultante d'un vortex polaire (une zone dynamiquement isolée du reste de l'atmosphère) qui se forme pendant la saison hivernale. Les molécules les plus fragiles vis-à-vis de la photodissociation par le rayonnement solaire UV peuvent s'accumuler au sein du vortex sans être diluées dans le reste de l'atmosphère. C'est une situation tout à fait analogue à celle que l'on observe sur Terre au-dessus du continent antarctique, où l'accumulation de chlorofluorocarbones (CFC) pendant l'hiver austral se traduit au printemps suivant par la destruction de l'ozone. Dans les prochaines années, et jusqu'au solstice d'été de l'hémisphère Nord en 2017, on s'attend à voir la situation s'inverser, pour aboutir à la formation d'un vortex polaire au Sud et un basculement des profils de concentration des molécules photosensibles qui deviendront alors maximum au Sud.