17 Mars 2015

Un lointain cousin des lacs de sel africains decouvert sur Titan

Un lointain cousin des lacs de sel africains découvert sur Titan

À l'exception de la Terre, Titan, le plus gros satellite de Saturne, est le seul corps planétaire connu pour maintenir des liquides de manière stable à sa surface. Sur Titan, un cycle complet des hydrocarbures, similaire à celui de l'eau sur Terre, est basé sur les molécules de carbone, d'hydrogène et d'azote, et implique l'atmosphère, la surface et le sous-sol. Les lacs d'hydrocarbures de Titan, découverts par la mission Cassini, font partie intégrante de ce processus.

Une nouvelle étude analysant les données de la sonde Cassini indique que le lac connu sous le nom d'Ontario Lacus sur Titan se comporte de manière similaire à ce que nous appelons un "lac de sel" sur Terre.

Ontario Lacus est le plus grand lac de l'hémisphère sud de Titan. C'est une large dépression topographique de 230 km de long et 75 km de large, et de seulement quelques mètres de profondeur. Elle est située dans un large bassin sédimentaire très plat de plusieurs centaines de kilomètres de large, bordé de petites montagnes de quelques centaines de mètres de haut tout au plus.

Récemment, un groupe de l'Université de Nantes (France) mené par Thomas Cornet, un associé de la mission Cassini, a trouvé les preuves de l'existence de chenaux persistant dans le temps entre 2007 et 2010, creusés dans le lit du lac au sein de sa partie sud. Ceci laisse penser qu'Ontario Lacus, jusqu'alors supposé complètement rempli d'hydrocarbures liquides (principalement du méthane et de l'éthane), pourrait en réalité être une dépression topographique à fond très plat, qui s'assèche et se remplit grâce à des liquides souterrains, formant ainsi des zones liquides entourées de matériaux humides (probablement du sable ou de la boue).

"Nous en avons conclu que le fond solide d'Ontario Lacus est en fait probablement exposé dans ces régions" déclare Thomas Cornet, dont l'article a été récemment publié dans la revue Icarus.

Ces caractéristiques font qu'Ontario Lacus est très similaire aux lacs éphémères appelés "lacs de sel" sur Terre, et parmi eux, au pan d'Etosha, situé dans une région semi-aride de la Namibie (Sud de l'Afrique).

 NASA/ESA/LPGNantes.
Ontario Lacus (230 x 75 km, Titan) et le pan d'Etosha (120 x 65 km, Namibie), deux lacs éphémères séparés par 1,4 milliards de kilomètres. Crédits : NASA/ESA/LPGNantes.

Le pan d'Etosha est un exemple de lac éphémère de grande taille sur Terre. Ses dimensions sont comparables à celles d'Ontario Lacus sur Titan. Lors de la saison des pluies, la nappe phréatique, résidant habituellement quelques dizaines de centimètres sous la surface, est abondamment alimentée en eau et inonde tout ou partie du pan d'Etosha. Les liquides s'évaporent ensuite rapidement à cause de l'aridité extrême de cet environnement.

"Sur la Terre, les lacs de sel tendent à se former dans les régions désertiques où les liquides peuvent soudainement s'accumuler. Il semble donc que la même chose ait lieu sur Titan", déclare Bonnie Buratti, co-auteur et membre de l'équipe Cassini basée au Jet Propulsion Laboratory (NASA) à Pasadena, en Californie.

Le climat de Titan est caractérisé par des tempêtes éparses occasionnant des précipitations torrentielles, avec des taux d'évaporation plus forts que les taux de précipitations moyens. Ce déséquilibre entre évaporation et précipitation est le facteur déterminant l'aridité d'un climat, et il est donc probable que le climat de Titan soit aride.

Les fortes similitudes entre Ontario Lacus et le pan d'Etosha, à la fois du point de vue morphologique et climatique, laissent donc penser qu'ils auraient pu se former de manière similaire.

Le pan d'Etosha s'est développé par la dissolution, sur plusieurs millions d'années, d'une couche de calcaires drapant le bassin sédimentaire dans lequel il réside. Ontario Lacus serait donc issu de la dissolution d'une couche géologique de surface, formée par les hydrocarbures solides produits dans l'atmosphère, s'accumulant à la surface de Titan et étant solubles dans le méthane et l'éthane liquide.

"Ces résultats soulignent l'importance de la planétologie comparée en sciences planétaires modernes : trouver des formes géologiques familières dans des mondes extraterrestres comme Titan nous permet de tester les théories expliquant leur formation" déclare Nicolas Altobelli, project-scientist de la mission Cassini à l'Agence Spatiale Européenne (ESA).

Les observations ont été réalisées par la sonde Cassini, faisant partie de la mission Cassini-Huygens vers le système de Saturne, projet de la NASA, de l'ESA et de l'Agence Spatiale Italienne.

Publication :
"Geomorphological Significance of Ontario Lacus on Titan: Integrated interpretation of Cassini VIMS, ISS and RADAR data and comparison with the Etosha Pan (Namibia)," by T. Cornet, O. Bourgeois, S. Le Mouélic, S. Rodriguez, C. Sotin, T. Lopez Gonzalez, G. Tobie, C. Fleurant, J.W. Barnes, R.H. Brown, K.H. Baines, B.J. Buratti, R.N. Clark and P.D. Nicholson, Icarus 218(2), 788-806, April 2012, doi:10.1016/j.icarus.2012.01.013

Lire aussi les articles à ce sujet sur les sites de l'ESA, du JPL et du Planetary Science Institute (tous trois en anglais).