17 Mars 2015

Résultats Scientifiques obtenus avec l'instrument GC-MS

Les principaux résultats scientifiques obtenus à partir du dépouillement des données sont les suivants :

  • Concentration en fonction de l'altitude et à la surface des principaux constituants atmosphériques, en particulier diazote et méthane
  • Détection de 40Ar (rapport de mélange~4x10-5) et 36Ar (~3 x 10-7)
  • Absence d'autres gaz rares en concentration notable
  • Mesure des rapports isotopiques de l'atmosphère 14N/15N = 183 (avec N2) et 12C/13C = 82 (avec CH4)
  • Détermination de CH4 condensé à la surface (vaporisé par la chaleur transmise au sol par la sonde)
  • Détermination d'espèces trace condensées à la surface

Profil vertical du rapport de mélange du méthane d'après les données GC-MS
Figure 1. Profil vertical du rapport de mélange du méthane d'après les données GC-MS
Accroissement de l'abondance du méthane atmosphérique après l'atterrissage de la sonde Huygens à la surface de Titan
Figure 2. Accroissement de l'abondance du méthane atmosphérique après l'atterrissage de la sonde Huygens à la surface de Titan. Cet accroissement est du à l'évaporation du méthane liquide présent à la surface du á son réchauffement par la sonde elle-même.

Parmi les conséquences importantes des résultats obtenus, on peut signaler :

  • Augmentation du rapport de mélange du méthane en dessous de 32 km :
  • vers la surface =>100% d'humidité à partir de 8 km
  • à la surface => présence de CH4 liquide en surface ou proche sous surface (Fig. 1)
    il pleut du méthane ? (Fig. 2)
  • Non détection en quantité notable de gaz rares autres que 40Ar (~4x10-5), seul 36Ar a été détecté, mais à une concentration plus de 100 fois plus faible (~3x10-7)
    conséquences essentielles sur notre compréhension de l'origine de l'atmosphère de Titan et la présence d'une activité géologique très importante sur ce corps planétaire (Fig. 3)
    • Traces d'éthane et d'autres molécules organiques (en particulier cyanogène et benzène) à la surface => surface riche en matériaux organiques (Fig. 4)
    • Rapports isotopiques de 12C/13C et 14N/15N : conséquences exo/astrobiologiques, en particulier la source de CH4 est très probablement non biologique
    • Enfin, les données IS2 permettent une analyse de la structure et de la composition des les aérosols avec ACP

    L'activité géologique de Titan et l'origine possible du méthane
    Figure 3. L'activité géologique de Titan et l'origine possible du méthane.

    Spectre de masse moyen mesuré à la surface de Titan par MS directe
    Figure 4. Spectre de masse moyen mesuré à la surface de Titan par MS directe. Il montre que la surface doit être riche en composés organiques (observation de l'évaporation de CH4, C2H6, C2N2 et peut être C6H6).

    Ces résultats ont été publiés dans le numéro de Nature consacré à la sonde Huygens, en décembre 2005 (Niemann et al. (2005), Nature 438, 779-784). De plus, ils ont été présentés à plusieurs dizaines de réunions scientifiques et conférences de presse, y compris par l'équipe du LISA.

    En parallèle à ces analyses des spectres de masse, une étude des données des sources IS3 et IS4 (correspondant aux chromatogrammes en phase gazeuse des colonnes 1 et 2) confirme que ces données sont extrêmement bruitées (niveau de fond élevé). Leurs premières analyses semblent laisser très peu de chance de pouvoir en extraire une information nouvelle utilisable, la quantité de matière détectable via ces deux sources devant être très élevée comparativement à la quantité de matière théoriquement prélevée et injectée dans le GC. Ces études vont toutefois se prolonger afin que nous puissions identifier la cause de ce problème. Il est en effet indispensable de tirer des leçons de cet échec pour éviter de rencontrer un problème analogue lors du développement de futurs instruments de GC spatialisé. On peut cependant noter que la séparation de composés majoritaires (en l'occurrence CH4 et 40Ar) a été observée sur la colonne 1 (Figure 5), confirmant les résultats obtenus lors d'étalonnages menés au sol, ce qui prouve que la colonne 1 fonctionnait correctement en terme de séparation après 7 années passées dans l'espace.

    Comparaison des signaux GCMS liés à 40Ar et à CH4
    Figure 5. Comparaison des signaux GCMS liés à 40Ar (en noir) et à CH4 (en bleu) sur les colonnes 1 et 2. On observe qu'avec la colonne 1, les 2 composés sont légèrement séparés dans le temps alors qu'avec la colonne 2, ils sortent strictement en même temps, ce qui est prédit par les calibrations faites au sol.

    La raison probable du bruit observé avec les sources ioniques IS3 et IS4 serait une pollution des sources par des composés extérieurs aux sources. Une des origines possible, à confirmer, serait une très forte réactivité du gaz vecteur (H2) qui aurait réagit chimiquement avec les matériaux constituant les micro-vannes de GC-MS, et introduit ainsi une forte contamination dans les colonnes. Une autre origine possible pourrait être un vieillissement de la phase stationnaire des colonnes (compréhensible après plus de 7 ans de voyage interplanétaire) de laquelle découlerait un relargage de matériaux de la phase elle-même. Cependant, au vu des résultats obtenus au laboratoire sur le vieillissement des colonnes effectué dans des conditions proches de celles du vol de la sonde, qui n'ont montré aucune modification notable des performances analytiques des colonnes de vol, cette dernière hypothèse semble peu vraisemblable. Si la contamination des colonnes chromatographique s'avère être la source probable de la contamination des sources ioniques, une solution peut être envisagée pour prévenir ce problème dans les futurs GC spatiaux. A l'instar de ce qui est fait en laboratoire, où les colonnes de CPG sont habituellement "conditionnées" (nettoyage de la colonne a haute température sous flux de gaz vecteur) avant emploi, lorsqu'elles n'ont pas été utilisées pendant seulement... plusieurs mois (!), les colonnes spatiales pourraient être conditionnées de la même manière après plusieurs années d'inactivité, quitte à sacrifier un peu des ressources (énergie, gaz vecteur) de l'expérience.