17 Mars 2015

Changement de saison sur Titan

Alors que le fonctionnement des saisons est bien connu sur Terre, celui de Titan est encore amplement inconnu. Une équipe de chercheurs vient de lever un coin du voile grâce aux données de Cassini.

Les saisons sur Terre sont un phénomène bien connu, dû à l'inclinaison de la Terre sur son axe de rotation. Le pôle nord pointe vers le Soleil en été dans l'hémisphère nord et reçoit donc plus de lumière et de chaleur tandis qu'en hiver, il pointe à l'opposé.

L'axe de rotation incliné de la Terre cause également la circulation atmosphérique aux tropiques, un phénomène qui prend le nom de cellules de Hadley. Le Soleil qui est presque au zénith tout au long de l'année dans les régions tropicales réchauffe l'air humide qui s'élève dans l'atmosphère et crée des orages. Arrivé à la tropopause, l'air est arrêté dans son ascension et forcé à se déplacer vers les pôles par le flux constant d'air qui continue à s'élever. En s'éloignant de l'équateur, l'air se refroidit, retombe et se réchauffe tout en étant poussé par les vents dominants vers l'équateur où le cycle recommence. Et bien qu'elle connaisse des variations, la circulation atmosphérique sur Terre reste constante tout au long de l'année.

 ESA/AOES
Changement de saison sur Titan - crédit : ESA/AOES.

De par sa distance au Soleil, le système saturnien met lui environ 29,5 années terrestres à compléter une orbite autour du Soleil. Ainsi, chaque saison sur sa lune Titan dure environ 7,5 années terrestres. On pourrait donc s'attendre à des changements lents, et pourtant, en pointant l'instrument CIRS (Composite Infrared Spectrometer) de la sonde NASA/ESA Cassini sur Titan à partir d'août 2009 - l'équinoxe sur place - les scientifiques ont observé des changements rapides de température et de composition atmosphérique dans la haute et moyenne atmosphère sur une période de six mois seulement, soit l'équivalent d'à peine 12 jours sur place.

Tout comme la Terre, l'orbite de Saturne est inclinée sur son axe de rotation (d'environ 27°). Titan étant en orbite sur le plan équatorial de Saturne, la lune est donc également sujette à des saisons. "Tant que le pôle nord de Titan faisait face au Soleil, les rayons ultraviolets et particules hautement énergétiques en provenance de notre étoile provoquaient des réactions dans la haute atmosphère qui conduisaient à l'augmentation des abondances d'éléments gazeux tels que les hydrocarbures et les nitriles au pôle Nord, mais après l'équinoxe et l'inversion de la circulation, on constate l'apparition de ces molécules au pôle sud" précise Athéna Coustenis. En effet sur Titan, il n'existe qu'une gigantesque cellule de Hadley dans la haute atmosphère qui fait circuler l'air chaud montant du pôle en été directement au pôle en hiver où il redescend, un phénomène qui s'inverse avec le changement de saison.

Les éléments comme le HC3N faisant partie de la brume, ont ainsi été retrouvés par CIRS au niveau du pôle sud de Titan - actuellement en hiver - dans des concentrations qui augmentent. Le lent refroidissement de l'atmosphère au pôle hivernal de Titan crée un vortex qui les entraine dans la moyenne atmosphère où ils s'accumulent. Ce phénomène s'accompagne également d'un réchauffement local de la moyenne atmosphère lui aussi détecté par CIRS, dû à la compression adiabatique - l'atmosphère en se refroidissant à haute altitude redescend et vient se concentrer à moyenne altitude ce qui augmente la pression et donc la température.

Ces observations du pôle sud de Titan viennent donc confirmer le modèle de circulation atmosphérique de Titan et sont la première preuve directe d'une inversion du système avec le changement de saison. Elles ne seraient pas possibles sans Cassini, le pôle hivernal de Titan n'étant pas visible depuis la Terre. La sonde permet ainsi une meilleure compréhension du système atmosphérique complexe de cette lune de Saturne, tout en fournissant un modèle de plus à comparer avec celui de la Terre et de planètes extrasolaires.

Publication :
Nicholas A. Teanby, Patrick G. J. Irwin, Conor A. Nixon, Remco de Kok, Sandrine Vinatier, Athena Coustenis, Elliot Sefton-Nash, Simon B. Calcutt and F. Michael Flasar, Active upper-atmosphere chemistry and dynamics from polar circulation reversal on Titan, Nature, 491, 732-735, 28/11/2012. doi:10.1038/nature11611

Lire aussi l'article à ce sujet sur le site de l'ESA (en anglais).