11 Mai 2016

Titan : et si ses mers étaient entourées de marais ?

Nouveaux résultats en provenance de la sonde Cassini. Ligeia Mare, la 2e plus grande mer de Titan, est principalement composée de méthane liquide et cacherait en son fond une couche de vase organique. Elle serait aussi entourée de terres inondées.

Avec 120 survols de Titan à son actif, la sonde Cassini a révolutionné les connaissances sur la plus grosse lune de Saturne. ''Titan et la Terre sont les seuls objets du système solaire qui possèdent des étendues liquides en surface. Les lacs de Titan nous fascinent, car ils nous renseignent sur un monde où l’eau est remplacée par des hydrocarbures, les roches par de la glace d’eau, le tout dans une atmosphère dense riche en azote''  indique Francis Rocard, responsable de la thématique ''Exploration du Système solaire'' au CNES.

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Des centaines de lacs et 3 mers d'hydrocarbures (Kraken, Ligeia et Punga) ont été repérés autour du pôle Nord de Titan par le radar de Cassini. Ces surfaces liquides, stables à -180°C, représentent environ 2 % de la surface de l'astre. Crédits : NASA/JPL-Caltech/ASI/USGS.

En étudiant de plus près Ligeia Mare, une équipe internationale de chercheurs confirme que cette mer, large d'environ 500 km et profonde de 200 m par endroit, est essentiellement composée de méthane (CH4) et non d’éthane (C2H6) comme on le pensait avant l’arrivée de la sonde Cassini. Elle révèle aussi que son fond est probablement recouvert d'une couche de plusieurs dizaines de mètres de composés organiques insolubles, tels des nitriles, benzènes et tholins insolubles.

'' Ces composés organiques se sont formés dans l'atmosphère de Titan lors de réactions photochimiques impliquant des molécules d’azote et de méthane. Les composés les plus lourds sont ensuite tombés directement dans les lacs ou y ont été amenés par les rivières d'hydrocarbures ou le lessivage des rives par les pluies'' explique Alice Le Gall, chercheuse au LATMOS et première auteure de l'article publié le 25 février 2016 dans Journal of Geophysical Research-Planets

Toute la région entourant le pôle Nord de Titan pourrait n'être qu'un immense marais !

Mais ce qui étonne le plus la scientifique est l'absence de différences de températures entre les rivages entourant Ligeia Mare et la mer elle-même. ''Alors que l’été approche dans l’hémisphère nord de Titan, on s'attendait à trouver – comme sur la Terre  des rivages qui se réchauffent plus vite que l'étendue liquide en raison de leur plus faible inertie thermique. Or on ne voit aucune différence et les observations dans l’infrarouge thermique de l’instrument CIRS de Cassini montrent que tout l’hémisphère nord tarde à se réchauffer ! Cela suggère que les terres sont aussi inondées. Toute la région entourant le pôle Nord de Titan pourrait n'être qu'un immense marais !'' Mais sans grenouilles qui y chantent !

Des rayons du soleil se reflètent sur les lacs d'hydrocarbures de Titan. Mosaïque d'images en fausses couleurs prises par le spectromètre infrarouge VIMS la sonde Cassini. Crédits : NASA/JPL/Univ. Arizona/Univ. Idaho.

L'atmosphère de Titan est composée de diazote à 95 % et de pincées de méthane. Image en vraies couleurs acquise par la sonde Cassini en 2005. Crédits : NASA/JPL/Space Science Institute.

Scénario de formation d’une couche de vase organique au fond de Ligeia Mare. Crédits : ESA.

Formation des aérosols dans l'atmosphère de Titan. Crédits : ESA/ATG medialab.

Alice Le Gall, un parcours d’excellence

L'aventure titanesque d'Alice Le Gall a débuté en 2008 lors d'un post-doctorat en Californie, au Jet Propulsion Laboratory (JPL). Durant 3 ans, elle travaille au sein de l'équipe radar de la mission Cassini. De retour en France en 2011, elle intègre en tant que maître de conférences l'Université de Versailles-Saint Quentin tout en poursuivant de manière intensive ses recherches au LATMOS grâce à une chaire d'excellence du CNES qui la décharge de 2/3 de ses enseignements. Outre Titan, Alice étudie la comète Tchouri (de son vrai nom 67P/Churuymov-Gerasimenko) et la planète Mars. Elle est en effet co-investigatrice de l'instrument SESAME-PP de l'atterrisseur Philae et du radar WISDOM sélectionné par l'ESA pour équiper le futur rover de la mission ExoMars 2020

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