4 Septembre 2017

Les anneaux de Saturne sous l’œil de Cassini

En plus d’avoir étudié Saturne et ses satellites, Cassini s’est également focalisée sur les anneaux. Elle a pu en étudier la composition, la structure et la dynamique, permettant d’en apprendre davantage sur la physique de ces objets très particuliers. Retour sur ces découvertes avec Sébastien Charnoz, astrophysicien à l’université Paris Diderot et chercheur à l’Institut de Physique du Globe.

L’orbite de Saturne au peigne fin

Cassini a eu l’avantage d’être une mission très longue : lancée en 1997 et après 7 ans de voyage, elle a passé 13 ans autour de Saturne. En comparaison, les anneaux avaient déjà pu être observés de près par les missions Voyager 1 et 2 mais au cours d’un passage de quelques de jours seulement. Cassini a donc pu étudier la structure fine et l’évolution des anneaux sur le long terme, ce qui a réservé de nombreuses découvertes.
« La surprise c’est que les anneaux ne sont pas figés, ils sont même extrêmement dynamiques, explique Sébastien Charnoz. Ils sont parcourus d’ondes, ils vibrent comme une membrane dans le champ de gravité de la planète et de ses satellites. Mais en plus, ces variations de gravité ont lieu parce que Saturne n’est pas homogène, donc les mouvements des anneaux permettent d’en apprendre davantage sur la façon dont la planète est structurée à l’intérieur même. »

Le séjour de Cassini a permis d’observer les anneaux en avec une précision inégalée. Saturne a sept anneaux principaux, séparés par de grands vides appelés divisions. Chaque anneau étant à son tour constitué par une alternance d’annelets et de lacunes, qui rendent nécessaires les images en haute définition de Cassini.
« Ils sont constitués de glace d’eau, dont nous avons pu mesurer la porosité : cela nous donne des informations sur leur processus de formation. La très haute résolution nous a même permis de découvrir de nouvelles lunes à l’intérieur des anneaux. Certaines sont très allongées comme des ballons de rugby ou des cacahuètes, ce qui est le signe d’une accrétion. D’autres comme Pan et Daphnis ont des bourrelets équatoriaux, qui suggèrent que leur formation doit être contemporaine de celle des anneaux. D’autres encore sont plus petites, plus irrégulières, et n’orbitent pas dans le plan équatorial des anneaux. C’est le cas de Phœbé que Cassini a survolée dès son arrivée et qui a dû se former autour de 40 unités astronomiques (40 fois la distance Terre-Soleil) dans la ceinture de Kuiper, avant de se rapprocher et d’être capturée par Saturne. »

La formation des lunes à partir des anneaux

La formation des lunes des planètes est encore mal comprise. Le plus important pour valider un modèle théorique, c’est de pouvoir le contraindre à partir des observations, chose difficile étant donné que le Système solaire est âgé de plus de 4,5 milliards d’années : aujourd'hui les planètes ont fini de se former, et leurs lunes également … sauf les lunes de Saturne.
« Il y a de cela 3 ans, un nouveau modèle a été validé par les observations : au bord de l’anneau B, Cassini a pu voir apparaître une nouvelle lune, qui n’était pas là il y a 10 ans. Donc il y a peut-être des lunes qui se forment dans le Système solaire, alors que la formation des planètes s’est arrêtée il y a 4 milliards d’années. Ces processus d’accrétion à l’extérieur des anneaux sont les découvertes qui m’ont le plus marqué. Voir un phénomène théorisé par la formation planétaire, mais qui est désormais inobservable dans le Système solaire, c’était inespéré. Et en plus ça a permis d’établir un lien de parenté entre les anneaux de Saturne et la formation de ses satellites. »

Encore fallait-il réussir à établir ce modèle théorique fiable pour la formation des lunes à partir des anneaux. En quoi consiste-t-il et comment explique-t-il la formation de cette nouvelle lune ?
« Nous avons construit des simulations numériques, motivés par les observations de Cassini, poursuit Sébastien Charnoz. Normalement les anneaux ont tendance à s’aplatir, à s’étaler comme une pâte à crêpe. Et lorsqu’ils dépassent la limite théorique de Roche (en dessous de laquelle la gravité provoque des forces de marée qui déforment un corps au point de le disloquer), il se forme des espèces de grumeaux, des mini-lunes qui s’agrègent par processus gravitationnel. Et les simulations fonctionnent très bien, nous pensons que la plupart des lunes sont bel et bien formées par le matériau des anneaux qui se seraient rassemblés et éloignés de la planète. Ces découvertes sont pratiquement déjà enseignées dans les livres, alors que la mission s’apprête tout juste à se terminer. »

Dans l’espace entre Saturne et ses anneaux

Depuis 6 mois, Cassini s’est mis sur la trajectoire finale de sa mission : son orbite très elliptique la fait passer dans la région située entre la planète et ses anneaux, survolant l’atmosphère qu’elle étudiera une dernière fois avant d’y plonger et de s’y détruire. A cette occasion, les anneaux ont eux-mêmes encore des choses à révéler.
« D’abord, c’est l’occasion de pouvoir estimer la masse des anneaux. C’est important, parce que pour le moment nous n’avons aucune mesure directe et que ça servirait ensuite à estimer leur âge. S’ils se sont formés à l’époque de Saturne il y a 4,5 milliards d’années, ils devraient être plus massifs. A l’inverse s’ils sont plus légers, l’estimation pourrait descendre à environ 100 millions d’années. C’est une grande question sur les planètes, parce que nous ne savons toujours pas comment se forment les anneaux. Ni pourquoi les géantes gazeuses en ont, contrairement aux planètes telluriques. Il reste encore beaucoup à apprendre, sur Saturne et sur le reste du Système solaire ».

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Cassini entre Saturne et ses anneaux en vue du Grand Finale, vue d’artiste. Crédits : NASA/JPL-Caltech

Pour en savoir plus

Contacts scientifiques

  • Francis Rocard, responsable des programmes d'exoloration du Système solaire au CNES, francis.rocard at cnes.fr
  • Sébastien Charnoz, astrophysicien à l’université Paris Diderot, chercheur à l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), charnoz at ipgp.fr